CONFLIT AVEC LA RUSSIE

Hausse subite
des tensions dans
l’est de l'Ukraine

Le spectre d’une intervention russe dans l’est de l’Ukraine s’est rapproché après que des militants russophones armés et masqués eurent pris le contrôle de bâtiments gouvernementaux dans trois villes de l’est de l’Ukraine, dimanche. Un scénario « écrit par la Russie pour démembrer l’Ukraine », a accusé le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk.

Qu’ont fait les militants prorusses ?

Dimanche, ils ont pris le contrôle de bâtiments administratifs dans les villes de Donetsk, Luhansk et Kharkiv, toutes trois situées dans l’est de l’Ukraine, près des frontières avec la Russie. À Donetsk, les militants séparatistes ont proclamé leur intention de tenir d’ici le 11 mai un référendum sur l’annexion de la région à la Russie.

« C’est une situation qui est volatile et qui peut dégénérer très rapidement, explique Aurélie Allain, spécialiste en sécurité internationale et chercheuse en résidence à la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM. Surtout que ces manifestants prorusses appellent la Russie à intervenir pour secourir les russophones de la région. »

Qu’en pense l’Occident ?

Hier, le secrétaire d’État américain John Kerry a signalé que les évènements dans l’est de l’Ukraine semblaient être une campagne « orchestrée avec soin, avec le soutien de la Russie ». M. Kerry s’est entretenu au téléphone avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, à ce sujet.

La Maison-Blanche a dit avoir des « preuves claires » que des manifestants prorusses dans l’est de l’Ukraine étaient payés. Les États-Unis envisagent désormais de durcir les sanctions imposées à la Russie dans la foulée de son opération militaire en Crimée.

Hier, l’AFP a dit savoir qu’un destroyer lance-missiles américain se dirige vers la mer Noire où il devrait arriver « d’ici une semaine » pour rassurer les alliés est-européens inquiets de l’intervention russe en Crimée. L’OTAN a toutefois réitéré qu’une adhésion de l’Ukraine à son groupe des pays membres n’était pas envisagée.

Comment réagit le gouvernement ukrainien ?

Le président ukrainien Olexandre Tourtchinov a annulé hier une visite en Lituanie en raison de cette nouvelle crise. Des voix en Ukraine se sont élevées afin d’inciter le gouvernement à défendre avec plus de vigueur des villes de l’est. Or, jusqu’ici, le gouvernement a refusé d’utiliser la force. Sur Facebook, le ministre ukrainien de l’Intérieur a répondu à ses détracteurs, qui l’accusaient de mollesse : « Je vais répondre aux têtes brûlées qui exigent de mettre un terme à ces désordres à tout prix. Nous allons reprendre la situation en main sans que le sang soit versé », a-t-il écrit.

Que dit Vladimir Poutine ?

Hier, le président russe Vladimir Poutine a donné l’instruction au FSB, l’appareil de sécurité russe, d’être à l’affût d’une attaque en son sol et a dit que la Russie ne doit pas laisser les organisations non gouvernementales « être utilisées à des fins destructrices » comme ce fut le cas en Ukraine, selon lui.

Jusqu’à 40 000 soldats ont été déplacés aux frontières de l’Ukraine ces dernières semaines.

« Il y a un observateur de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui a déclaré que des dizaines de milliers de soldats étaient toujours présents à la frontière russe, note Mme Allain. On craint une escalade de la violence, et que Vladimir Poutine utilise cette occasion pour déstabiliser la région. »

Poutine s’est engagé à défendre « par tous les moyens » les populations russophones des républiques de l’ex-URSS en cas de violences.

Assiste-t-on à une répétition du scénario de l’annexion militaire de la Crimée à la Russie, en février et en mars ?

« La Crimée était une république autonome, avec 60 % de russophones ; ici, on parle de régions qui sont parties entières de l’Ukraine, et où l’on trouve un peu moins de russophones qu’en Crimée, dit Aurélie Allain. Le but de Moscou n’est pas forcément d’envahir l’Ukraine, de reproduire le scénario de la Crimée, mais plutôt de déstabiliser l’Ukraine dans l’optique de faire reporter les élections ukrainiennes qui sont prévues en mai. Si un état d’urgence devait être déclaré en Ukraine, il n’y aurait pas d’élections, ou alors elles seraient reportées. »

Jusqu’ici, on parle de manifestations spontanées qui regroupent quelques centaines de personnes, note-t-elle. « Ce n’est pas un mouvement généralisé, mais ça suscite l’inquiétude, car c’est un mouvement violent. Mais ce n’est pas forcément toute la population de ces villes qui veut être rattachée à la Russie. »

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